- par Aisha Stacey (© 2016 IslamReligion.com)
Description: Nous ne sommes pas les premiers ni les seuls musulmans à nous sentir comme des étrangers.
Le prophète Mohammed (que la paix et les bénédictions de Dieu soient sur lui) a dit : « L’islam a commencé comme quelque chose d’étrange et il redeviendra quelque chose d’étrange. Alors annoncez la bonne nouvelle aux étrangers. »[1] On lui demanda : « Qui sont ces étrangers, ô messager de Dieu? » Il répondit : « Ceux qui corrigent les gens lorsqu’ils deviennent corrompus. »[2] Dans une autre narration, il répondit : « Ils forment un petit groupe de personnes au sein d’une population largement corrompue. Ceux qui s’opposent à eux sont plus nombreux que ceux qui les suivent. »[3]
Mais qui sont ces étrangers? Est-ce moi? Vous? Vos voisins? Est-ce que ce sont les gens à la mosquée? Ou ceux fréquentant cette autre mosquée? Est-ce que ce sont ceux qui se sont convertis à l’islam? Ou alors les musulmans de naissance qui, du jour au lendemain, se font pousser une barbe ou décident de porter le hijab? Je crois que plusieurs d’entre vous seront d’accord avec moi sur un point : quand on est musulman, au 21e siècle, on sait à quel point on peut parfois se sentir étrange.
Nombreux sont les convertis à l’islam qui vous diront à quel point ils se sentaient comme des étrangers avant même de devenir musulmans. Ils vous diront qu’ils avaient de la difficulté à trouver leur place, que leur vie ne semblait n’avoir aucun sens. Ils vous diront avoir toujours eu cette vague impression de ne pas être comme les autres, de se sentir comme des étrangers au sein de leurs propres familles et de leurs peuples respectifs. C’est pourquoi ils ressentent souvent leur conversion à l’islam comme un retour au bercail. Ils se sentent enfin normaux, tout en continuant de se sentir comme des étrangers par rapport à leur environnement.
En effet, passée l’euphorie des premiers jours au sein de l’islam, le converti se sent à nouveau comme un étranger et il commence à se demander si ce sentiment de ne jamais être à sa place ni tout à fait à l’aise le quittera un jour. Certains convertis sont convaincus qu’ils se sentiront toujours ainsi et que ce sentiment ne les quittera jamais, du moins jusqu’à ce qu’ils parviennent à leur véritable demeure, celle de l’au-delà (le Paradis). Mais ce sentiment n’est pas unique aux convertis, car de nombreux musulmans de naissance ressentent la même chose.
Nous ne sommes pas les premiers ni les seuls musulmans qui se sentent comme des étrangers. Il est fort probable que les premiers musulmans, à La Mecque, regardaient leurs frères et sœurs, leurs parents et leurs amis en se demandant comment il était possible qu’ils ne voient pas la vérité et qu’ils ne comprennent pas que Mohammed était le messager de Dieu. Trouver et accepter la vérité est une véritable bénédiction, mais cela ne fait pas toujours disparaître ce sentiment d’étrangeté. Et cela n’est pas forcément une mauvaise chose.
L’érudit musulman Ibnoul Qayyim a dit : « Les musulmans sont des étrangers au sein de l’humanité; les véritables croyants sont des étrangers parmi les musulmans; et les érudits sont des étrangers parmi les véritables croyants. Et ceux qui suivent la sounnah et qui abandonnent toutes formes d’innovation sont des étrangers. »
Cette étrangeté que nous ressentons fut également ressentie par les prophètes et messagers de Dieu. Le prophète Noé prêcha la parole de Dieu, à son peuple, durant plus de 950 ans, tout en faisant rire de lui et en se faisant mépriser. Les prophètes Lot, Abraham et Jonas furent abusés, persécutés et humiliés. Le prophète Moïse fut rejeté non seulement par le pharaon de l’époque, mais aussi par son propre peuple, lorsque ce dernier adora le veau d’or en son absence. Le prophète Jésus et ses disciples furent ridiculisés et ressentirent sans aucun doute ce sentiment d’étrangeté que nous ressentons, de nos jours.
Selon Ibnoul Qayyim, il y aurait trois degrés d’étrangeté. Le premier, qu’il appelle « l’étrangeté louable », découle du fait d’adorer Dieu de façon exclusive (monothéisme pur). C’est l’étrangeté de ceux qui professent qu’il n’y a pas d’autre dieu qu’Allah et que Mohammed est Son messager. C’est une étrangeté réconfortante, qui vient avec le fait de savoir que seul Dieu peut nous aider. Dieu dit que la majorité des gens ne suivent pas la vérité. Ceux qui L’adorent réellement et correctement font partie des étrangers au sein de l’humanité.
« Si tu obéis à la majorité des gens qui sont sur terre, ils auront tôt fait de t’éloigner du sentier de Dieu. » (Coran 6:116)
« Et bien que tu le souhaites ardemment, la plupart des gens ne croiront pas. » (Coran 12:103)
« Certes, la plupart des gens sont des transgresseurs. » (Coran 5:49)
« … mais la plupart des gens ne sont pas reconnaissants. » (Coran 12:38)
Quant au deuxième type d’étrangeté, il s’agit d’une « étrangeté blâmable ». Les mots d’Ibnoul Qayyim, rédigés il y a plus de 600 ans, sont toujours pertinents de nos jours : « Leur étrangeté est due à leur refus de suivre le droit chemin de Dieu. C’est l’étrangeté de ne pas se conformer à l’islam et cela demeurera une étrangeté même si le nombre de ces personnes augmente, qu’ils deviennent puissants et que leur existence se répand. Ils demeurent des étrangers aux yeux de Dieu. Puisse Dieu nous protéger et faire en sorte que nous ne devenions jamais l’un d’eux. »
La troisième catégorie est l’étrangeté que ressent le voyageur. Elle n’est ni louable ni blâmable, mais elle a le potentiel de devenir louable. Quand une personne ne reste que peu de temps en de certains lieux et qu’elle doit constamment se déplacer, elle ne peut que se sentir étrange et sentir qu’elle n’a pas vraiment sa place où que ce soit. »
Nous sommes tous des étrangers, en cette vie, car notre demeure permanente est celle de l’au-delà. Comprendre cela signifie que nous comprenons ce dont voulait parler Ibnoul Qayyim en mentionnant l’étrangeté louable.
Le prophète Mohammed a dit : « Vivez en ce monde comme si vous étiez un étranger ou un voyageur. » Le sentiment d’étrangeté ressenti par beaucoup de musulmans est habituellement une bonne chose, car elle confirme notre amour pour Dieu et pour Son messager. Elle nous rappelle de vivre notre vie comme si nous étions des voyageurs qui attendent que Dieu les rappelle pour les mener vers leur demeure éternelle.